dialogue écrit le 20/10/2014

Respect & Responsabilité


Le chemin vers l'irrespect et l'irresponsabilité

- Tu sais, dans notre échange sur les espaces de pouvoir, de manipulation et non accessible, tu me disais : « Pour ce qui concerne le respect, il est très utile d'avoir une frontière claire et binaire : ce qui est respectueux et ce qui ne l'est pas. Dans ce cas là, c'est un avantage. ». Je comprends bien qu'ici la dualité t'est utile, mais la sagesse nous invite plutôt à regarder les choses telles qu'elles sont, et pas tel que ça nous intéresse. Alors est-ce que cette limite binaire n'est pas, pour votre culture au final, une illusion très morale ?

- Houla ! Attention ! Tu commences à penser comme moi... (rires)

- Tu ne vas pas t'en sortir avec une pirouette, dis donc !

- Non, non, ne nous sortons pas de là. Plongeons dedans au contraire, ça me ravit. Car oui, jeu vois comme toi que cette frontière binaire est fictive (comme toutes les frontières). Tu remarqueras que mon expression assumais pleinement la binarité de cette notion et mon intention utilitaire. Il est ainsi bien clair que cette notion n'est pas une réalité, c'est un outil conceptuel. L'objectif de cet outil est qu'il soit simple et franc afin de poser un repère utile et pertinent pour une vie collective en paix. Et, dans mon expérience, ça fonctionne. Jeu ne vais donc pas revenir sur cet outil, même s'il est bien virtuel. Jeu dirais, au contraire, qu'il est d'autant plus efficace qu'il est utilisé en conscience qu'il n'est qu'un outil culturel, conceptuel et non pas un fait concret. N'oublie jamais que lorsque j'ai le culot d'émettre mes réserves sur certaines de vos notions, ça n'est pas parce qu'elles ne sont que des notions (ce serait un argument "massue" rhétorique) ; c'est parce que les résultats de ces notions ne correspondent ni à ce que vous vouliez au départ, ni à ce que vous prétendez (pour éluder éventuellement que les résultats ne sont pas au rendez-vous). Poser la virtualité d'une notion n'est pas un critère pour l'invalider, c'est un premier pas à faire, simplement, afin de réaliser profondément qu'il est possible et même facile de transcender ladite croyance (si c'est utile de le faire). Jeu le précise car bien des notions culturelles sont vécues comme des murailles impossibles à modifier, ce qui est une forme de folie.

- Si je parviens à te suivre, tu précises qu'il est conscient pour tout le monde chez vous que votre définition du respect est arbitraire, qu'elle ne correspond pas à une réalité tangible, mais que vous lui accordez une valeur fondamentale simplement parce qu'elle vous apporte le résultat d'une paix collective. Ceci n'était que le départ de mon raisonnement et je constate que nous sommes en phase. Ce qui m'intéresse c'est d'aller plus loin afin d'aller toucher la réalité de la vie sur ce thème, forcément plus nuancée, plus complexe. En avez-vous une idée dans ta culture ?

- Comme d'habitude, tu me vois obligé de préciser d'abord qu'il n'y a pas de pensée unique et, ainsi, jeu ne vais pouvoir t'exprimer que mon point de vue personnel. Il ne saurait être représentatif même si jeu crois pouvoir prétendre que, puisqu'il s'agit d'un thème très basique, très structurel pour une société, un large consensus s'est dessiné dans notre conscience collective à ce sujet. C'est un conscensus surtout empirique. Laisse moi explicitement poser le contexte de notre échange : il ne s'agit plus d'évoquer un outil éthique pour définir le respect, il s'agit simplement de regarder toutes les nuances de l'expérience humaine sur ce point. Il s'agit de cesser de faire comme s'il y avait soit des comportements respectueux, soit des comportements irrespectueux, mais regarder avec toute notre ouverture, les multiples nuances comportementales. Est-ce là ce que tu souhaites ?

- Oui, exactement. Je sais que tu parles d'éthique plutôt que de morale, de conscience plutôt que de jugements. Je sais que tu incites à ne pas tomber dans les illusions du mental... mais j'ai parfois du mal à recevoir l'éthique de ta culture autrement. Elle continue encore de m'apparaître comme une morale très jugeante, ou même culpabilisante.

- Il est vrai que toute notion culturelle peut-être vécue avec l'amour comme base ou avec la peur de ceux qui n'appliquent pas ce principe et, en conséquence mécanique, le jugement à leur égard. Pour savoir comment nous vivons effectivement le respect et, surtout, comment nous vivons les irrespects, il faudrait que tu viennes vivre avec nous quelques temps. Tant que tu l'imagines, il est très probable que tu projettes surtout ce que tu connais et donc vos façons plutôt que les nôtres. Mais peu importe, voici ce que la plupart d'entre nous voyons de la réalité des comportements humains, sans chercher à les cadrer cette fois. C'est comme un chemin, avec plusieurs étapes. C'est un chemin avec deux destinations, une à chaque extrémité du chemin. D'un côté, il y a une position de vie tranquille, pacifique, responsable, respectueuse. De l'autre côté, il y a une position de vie totalement irresponsable et irrespectueuse. Cette fois, ces extrémités nous intéressent peu. Ce qui nous intéresse, ce sont toutes les étapes intermédiaires pour aller soit dans un sens, soit dans l'autre. Ne jugeons rien de ce chemin, regardons simplement les étapes et les destinations.

- Voilà ! C'est comme si tu m'avais tout le temps parlé de ces deux seules destinations, et je les comprends mal, et elles m'intéressent peu car je ne crois vivre ni d'un côté, ni de l'autre. C'est vraiment les étapes du chemin qui m'intéressent et je me fous de savoir si tu penses mieux d'aller dans un sens ou dans l'autre.

- Et bien parlons des étapes. (sourire) Avant de commencer, jeu nuance que, pour en parler avec des mots, nous allons inévitablement utiliser encore des notions, qui seront encore limitées. La seule manière de regarder avec précision et attention un comportement humain, c'est d'aimer inconditionnellement l'humain concerné (ce qui ne signifie pas forcément d'avoir à son égard des gestes tendres ou affectifs). Mais nous pouvons accepter l'imperfection de notre discours sur ce chemin et ses étapes, en conscience qu'il nous fait avancer vers la complexité de la réalité, même si nous ne pourrons l'atteindre avec précision. L'acceptes-tu ?

- Oui, oui, je l'accepte. Les mots représentent le seul moyen que j'ai maintenant de recevoir ton témoignage. J'irai peut-être vivre avec vous plus tard. (sourire)

- Alors attention, le train va partir et franchir toutes les étapes. De quelle gare partons-nous ?

- Et bien, honnêtement, comme je te vois bien me faire aller vers la paix, le respect, blablabla, faisons le contraire. Prenons le train vers l'irrespect et l'irresponsabilité. Ça donne quoi ?

[...]

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